Obésité et dépendance : quel est le lien?
Comme l’alcool et les drogues, la nourriture peut entraîner une dépendance, mais il y a plus
Une analyse de nombreuses études sur la personnalité a conclu qu’à certains égards, les personnes obèses ont un comportement semblable à celui des toxicomanes. Il ne faut toutefois pas oublier que l’obésité est un problème complexe que le modèle de la dépendance n’explique qu’en partie.
D’après l’Organisation mondiale de la Santé, le taux d’obésité a triplé depuis 1975, une hausse probablement attribuable à l’abondance d’aliments peu coûteux et riches en calories. Bien que la perte de contrôle associée à la nourriture chez certaines personnes obèses amène certains chercheurs à y voir un type de dépendance, d’autres rappellent que l’alimentation est un besoin fondamental et que la nourriture ne contient pas de substances addictives comme la nicotine ou la caféine.
Ce débat a incité une équipe de recherche du Neuro (Institut et hôpital neurologiques de Montréal), dirigée par le Dr Alain Dagher, à évaluer les ressemblances et les différences entre l’obésité, les dépendances et les troubles psychiatriques.
Uku Vainik, un ancien boursier postdoctorant au laboratoire du Dr Dagher qui travaille maintenant à l’Université de Tartu (en Estonie) et premier auteur de l’étude, a examiné d’autres études sur le lien entre l’obésité, la dépendance et les traits de personnalité. Le test de personnalité le plus utilisé, l’inventaire NEO PI, évalue 30 facettes de la pensée, des émotions et des comportements, comme l’assertivité, l’altruisme et l’impulsivité. Les participants obtiennent un score pour les cinq grands traits de la personnalité (Big Five) : ouverture, caractère consciencieux, extraversion, agréabilité et névrosisme. Les chercheurs ont utilisé ce test pour dresser des profils de l’obésité et de la dépendance en reliant les scores obtenus au poids et aux comportements addictifs.
En comparant ces profils entre eux et en compilant les données de 18 611 participants, les chercheurs ont découvert que toutes les dépendances étaient associées à des profils de personnalité semblables, ce qui semble indiquer un fort recoupement des comportements. La dépendance et l’alimentation compulsive étaient également associées à des profils comportementaux similaires; toutefois, le lien entre l’obésité et la dépendance était considérablement plus ténu. Les scientifiques ont été surpris de découvrir que les profils de personnes obèses avaient également des points communs avec ceux de personnes atteintes de troubles de l’humeur et de certains troubles de personnalité.
« Notre étude semble indiquer que les traitements pour l’obésité gagneraient à s’inspirer des approches de traitement des dépendances visant à améliorer l’autorégulation, conclut le Dr Dagher. Toutefois, ils ne devraient pas être axés sur la gestion de la recherche de sensations fortes, parce que ce n’est pas vraiment un problème pour les personnes obèses. Nos données montrent qu’il existe des similarités limitées entre l’obésité et la dépendance qu’on peut utiliser thérapeutiquement, mais qu’il faudra chercher ailleurs pour vraiment comprendre le profil comportemental associé à l’obésité. »
Cette étude a été publiée le 28 octobre 2019 dans la revue Elle a été financée par le Fonds de Recherche du Québec, les Instituts de recherche en santé du Canada et l’Estonian Research Council.
À propos du Neuro
L’institut et hôpital neurologiques de Montréal, dit le Neuro, est un chef de file mondial dans le domaine de la recherche sur le cerveau et des soins de pointe. Depuis sa création en 1934 par le célèbre neurochirurgien Dr Wilder Penfield, le Neuro connaît une croissance inégalée qui en fait le plus grand établissement de recherche et de soins cliniques spécialisé en neuroscience au Canada, et l’un des plus importants sur la scène internationale. L’intégration féconde de la recherche, des soins aux patients et de la formation par les plus éminents spécialistes à l’échelle mondiale placent le Neuro dans une position unique en matière de connaissance et de traitement des affections du système nerveux. En 2016, le Neuro est devenu le premier institut au monde à adhérer complètement à la philosophie de la science ouverte, ce qui a donné naissance à l’Institut de science ouverte Tanenbaum. L’Hôpital neurologique de Montréal fait partie de la mission en neurosciences du Centre universitaire de santé ƽÌØÎå²»ÖÐ.