Alors que le Canada entame son troisième mois de bouleversements depuis le début de la pandémie de COVID-19, les problèmes tels que l’isolement social et la stigmatisation sont de plus en plus évidents. En collaboration avec la Dre Marie-Josée Brouillette et Nancy Mayo, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé ƽÌØÎå²»ÖÐ, ainsi que de chercheurs des quatre coins du pays, la Dre Lesley Fellows, du Neuro, portant sur le sentiment de solitude que provoque un autre virus dévastateur – le virus de l’immunodéficience humaine, ou VIH.
Dans le cadre d’une étude plus vaste, le projet Pour un cerveau en santé, agissons!, on a procédé à des entrevues individuelles, à des autoévaluations, à des mesures directes et à des examens de dossiers pour évaluer 834 hommes et femmes de 35 ans et plus vivant avec un diagnostic de VIH depuis au moins un an. Les participants étaient majoritairement des hommes, et la moyenne d’âge était de 53 ans. Parmi eux, 18 % ont dit se sentir seuls « assez souvent », alors que 46 % ont affirmé se sentir seuls « parfois ». Ces taux sont nettement plus élevés que ceux qu’on obtient dans la population en général : un rapport récent de l’Enquête longitudinale canadienne sur le vieillissement indique en effet que seulement 10,2 % des Canadiens de 45 à 85 ans souffrent d’un sentiment de solitude persistant.
Face à la solitude, les hommes et les femmes vivent une situation similaire. Étonnamment, les plus jeunes de la cohorte ont exprimé un sentiment de solitude plus fort que les plus âgés, ce qui contredit les tendances perçues dans la population en général. Les auteurs n’ont pas pu en expliquer la cause, mais ils pensent que ce résultat pourrait être attribuable au biais du survivant, selon lequel les personnes qui vivaient déjà avec le VIH avant l’arrivée de la thérapie antirétrovirale auraient survécu grâce à des groupes sociaux soudés qui existent encore.
Au moyen de modèles statistiques, les chercheurs ont découvert plusieurs facteurs qui contribueraient à la solitude des personnes atteintes du VIH, notamment la stigmatisation, le fait de vivre seul, les symptômes physiques qui trahissent leur maladie et les difficultés financières. La solitude a des conséquences très variées et des répercussions négatives sur l’humeur, la motivation, la cognition, le niveau de stress, la consommation de substances, l’activité physique et la qualité de vie en général.
L’étude montre que le sentiment de solitude est plus présent parmi les personnes porteuses du VIH que dans l’ensemble de la population et qu’il a des répercussions négatives sur la santé. Favoriser l’intégration sociale pourrait être une façon efficace d’atténuer bon nombre des problèmes de santé à long terme qui touchent ces personnes malgré des traitements antiviraux efficaces.
Évidemment, il faudra pour cela attendre la levée des restrictions imposées par la COVID-19. La Dre Fellows affirme que l’exclusion sociale que subissent les personnes atteintes de COVID-19 pourrait, si elle persiste, avoir des effets sur la santé bien après la disparition de l’infection, un peu comme c’est le cas pour les personnes qui vivent avec le VIH. Sur une note positive, la pandémie pourrait sensibiliser les gens à l’expérience des personnes porteuses du VIH ou d’une autre maladie infectieuse, qui se heurtent souvent à la stigmatisation et à l’exclusion sociale, ainsi qu’aux problèmes de santé qui en découlent.
« Les gens pourraient être en mesure de comprendre ces répercussions de façon très concrète dans la situation actuelle, explique-t-elle. En ce moment, on nous demande d’agir comme si tout le monde était potentiellement contagieux et de rester à l’écart, ce qui bouleverse nos façons d’entrer en relation avec les autres. Notre recherche laisse entendre que vivre ainsi pendant plusieurs années a réellement des conséquences néfastes. La société joue un rôle important dans la santé mentale, pour le meilleur et pour le pire. »
L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.