Le recours à l’intelligence artificielle (IA) dans l’action climatique peut faciliter la gestion des ressources, la conception des infrastructures et le développement urbain, mais celle-ci peut-elle nous aider à faire face aux défis environnementaux les plus pressants? Le 11ème , intitulé « IA et durabilité : Équilibrer l’innovation avec le bien-être planétaire et social », se penchera sur les impacts du recours à l’IA dans la construction d’un avenir plus durable.
En vue de l’événement du 10 octobre, The Reporter s’est entretenu avec son principal présentateur, Victor Galaz. M. Galaz est professeur agrégé de sciences politiques au Stockholm Resilience Centre (Université de Stockholm) et directeur du programme « Gouvernance, technologie et complexité » de l’Institut Beijer à l’Académie royale suédoise des sciences. Il est également l’auteur du livre Dark Machines — How Artificial Intelligence, Digitalization and Automation is Changing our Living Planet (Routledge, 2025), à paraître prochainement.
Le thème de votre conférence est « L’action climatique à l’ère des “dark machines” ». Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept de ces « machines obscures » ?
J’ai préféré employer l’appellation « machines obscures » plutôt que simplement « IA », car elle décrit mieux la complexité des technologies numériques, c’est-à -dire l’intelligence des machines, les équipements, la numérisation, et leurs interactions avec l’humanité, tous ces aspects étant reliés entre eux. Ensuite, bien sûr, parce que ces « machines obscures » peuvent causer beaucoup de dommages aux êtres humains et à la planète si nous ne réussissons pas à mieux guider leur utilisation et à répartir les risques et les avantages qui s’y rattachent.
Dans votre livre paru en 2014, Global Environmental Governance, Technology and Politics — The Anthropocene Gap, vous traitez de notre incapacité à répondre aux crises environnementales en tant que société. Depuis cette publication, tout a continué à évoluer rapidement. L’Union internationale des sciences géologiques a récemment voté contre l’ajout de l’anthropocène à la chronologie officielle de l’histoire de la Terre. Que pensez-vous de la tournure des événements, et comment ces mouvements coïncident-ils avec les défis posés par l’IA ?
J’ai trouvé assez curieux, mais pas étonnant, que l’Union internationale choisisse de voter contre la proposition. Par ailleurs, je rejoins ceux qui affirment que cette mesure formelle n’a pas d’importance réelle sur le plan pratique. La notion centrale inhérente à l’anthropocène est que l’action de l’entreprise humaine transforme fondamentalement la vie et le fonctionnement des systèmes de la Terre. La technologie de l’IA est susceptible de bouleverser ces dynamiques, parfois de façon inattendue. La question qui se pose maintenant est : est-ce que l’IA va accélérer la « grande accélération » de l’humanité, ou favoriser une transition équilibrée ? C’est une question qui demeure largement ouverte et qui relève d’un choix politique.
Le recours croissant à l’IA dans notre vie quotidienne suscite de nombreuses inquiétudes. Quelles sont les considérations éthiques liées au déploiement de l’IA dans la lutte au changement climatique ?
Je ne crois pas que le terme « éthique » soit le plus approprié pour décrire les choix qui nous attendent — je préfère parler de défis de gouvernance ou de réglementation. Il est nécessaire à mon sens de se distancier de l’engouement pour « l’IA au service du climat » observé ces derniers temps pour affronter les questions difficiles. Les innovations en IA proposées par les gouvernements et les géants de la technologie nous aident-elles réellement à résoudre les défis climatiques et de développement durable urgents ? À qui doit servir l’innovation de l’IA en matière de climat ? Et est-il avisé dans certains cas de recourir à l’IA dans la prise de décisions sur le climat, le conseil agricole local, la réponse aux risques de catastrophe et la communication scientifique, vu les biais et les préjudices algorithmiques connus ?
À votre avis, peut-on exploiter les capacités de l’IA pour développer et mettre en œuvre des technologies ou des processus durables? Si oui, dans quels domaines ou applications envisagez-vous le plus grand potentiel ?
Je dois dire que je suis fasciné par les projets qui tentent de conjuguer les savoirs locaux, et parfois même autochtones, enrichis par l’intelligence artificielle et les nouvelles données, dans le but de soutenir l’adaptation au climat et les modes de vie résilients. Je souhaite que ces projets réussissent, étant donné les bénéfices qu’ils peuvent générer pour les communautés. De tels projets ont une forte composante sociale et privilégient les besoins locaux, au lieu d’espérer qu’un gigantesque modèle d’IA privé sera en mesure de « faire le bien ».
Quel message impératif désirez-vous transmettre lors de votre discours ?
Que le développement et le recours à l’IA relèvent de notre pouvoir, et non d’une force technologique magique qui échappe à notre contrôle. Si nous savons faire preuve de sagesse, nous pouvons réorienter la puissance des technologies numériques et contribuer à une transition vers la durabilité qui soit juste et sécuritaire.
Le Symposium Trottier sur l’ingĂ©nierie, l’énergie et la conception durables se tiendra au Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ Faculty Club (3450, rue McTavish) le 10 octobre Ă 18 h. L’évĂ©nement est gratuit et aura lieu en anglais.Â