Découverte de sursauts radio rapides en série
Par Chris Chipello
Pour la première fois, des astronomes ont détecté une succession de sursauts radio provenant d’une source mystérieuse vraisemblablement située bien au-delà des confins de la Voie lactée.
Selon les observations des chercheurs, ces sursauts radio rapides (SRR) proviennent d’un objet extrêmement puissant qui produit parfois de multiples sursauts en moins d’une minute.
Avant cette découverte, qui a fait l’objet d’un article publié dans la revue scientifique Nature, tous les autres SRR semblaient être des phénomènes ponctuels. C’est pourquoi la plupart des théories sur l’origine de ces mystérieuses impulsions reposaient sur des événements cataclysmiques se soldant par la destruction de leur source – une étoile explosant pour devenir une supernova, par exemple, ou une étoile à neutrons s’effondrant pour se transformer en trou noir. Cette récente découverte montre toutefois que certains SRR ont une autre origine.
Les SRR, dont la durée n’excède pas quelques millièmes de seconde, ont toujours constitué une énigme pour les scientifiques depuis que ces phénomènes ont été décelés pour la première fois il y a une dizaine d’années. En dépit d’importants travaux d’exploration réalisés à la suite de cette découverte, les astronomes n’avaient jamais réussi à observer de sursauts en série.
Les choses ont toutefois changĂ© le 5 novembre 2015, alors que Paul Scholz, doctorant Ă l’UniversitĂ© Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ, examinait les rĂ©sultats d’observations rĂ©alisĂ©es Ă Porto Rico au moyen du radiotĂ©lescope d’Arecibo, le plus grand instrument du genre dans le monde. Ces nouvelles donnĂ©es, recueillies en mai et juin 2015 et analysĂ©es par un superordinateur du Centre informatique de haute performance de Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ, rĂ©vĂ©laient l’existence de plusieurs sursauts dont les propriĂ©tĂ©s concordaient avec celles d’un SRR dĂ©celĂ© en 2012.
L’existence de cette succession de signaux était surprenante – et « réellement excitante », affirme Paul Scholz. « J’ai tout de suite su que cette découverte serait extrêmement importante pour l’étude des SRR. » Pendant que ses collègues se pressaient autour de son écran d’ordinateur, il passait au crible les dernières données générées par un logiciel spécialisé utilisé pour la recherche de pulsars et de sursauts radio. C’est alors qu’il a découvert 10 nouveaux sursauts.
Ces observations semblent indiquer que ces sursauts pourraient provenir d’un objet très inhabituel, comme une étoile à neutrons en rotation d’une puissance encore jamais observée permettant l’émission d’impulsions extrêmement brillantes, affirment les chercheurs. Il se peut également que cette découverte soit celle d’une nouvelle sous-classe de SRR d’origine cosmique.
« Non seulement ces sursauts se répétaient, mais leur brillance et leur spectre diffèrent de ceux d’autres SRR », précise Laura Spitler, auteure principale du nouvel article et chercheuse postdoctorale à l’Institut de radioastronomie Max Planck, à Bonn, en Allemagne.
Les scientifiques estiment, après avoir mesuré un effet appelé « dispersion dans le plasma », que ces sursauts découverts récemment, tout comme d’autres types de sursauts radio, proviennent de lointaines galaxies. Les impulsions qui se déplacent dans le cosmos se distinguent des interférences d’origine humaine par l’effet des électrons interstellaires, qui ralentissent les ondes radio en présence de fréquences radio plus faibles. Le facteur de dispersion maximal des 10 sursauts découverts récemment, comme celui du sursaut décelé en 2012, est trois fois plus élevé que celui auquel on pourrait s’attendre d’une source située dans la Voie lactée.
Fait intĂ©ressant, la consĂ©quence la plus vraisemblable de cette nouvelle dĂ©couverte rĂ©alisĂ©e Ă Arecibo – Ă savoir que les SRR rĂ©pĂ©tĂ©s proviennent d’une Ă©toile Ă neutrons extragalactique très jeune – va Ă l’encontre des rĂ©sultats d’une Ă©tude publiĂ©e la semaine dernière par une autre Ă©quipe de chercheurs dans la revue Nature. Selon les auteurs de cet article, les SRR rĂ©sulteraient d’évĂ©nements cataclysmiques, comme de brefs sursauts de rayons gamma, qui ne peuvent gĂ©nĂ©rer de phĂ©nomènes successifs. « L’apparente contradiction entre les rĂ©sultats des deux Ă©tudes pourrait toutefois s’expliquer s’il existe bel et bien au moins deux types de sources Ă l’origine des SRR », affirme Victoria Kaspi, professeure de physique Ă l’UniversitĂ© Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ et membre principal de l’équipe multinationale ayant rĂ©alisĂ© l’étude d’Arecibo.
L’équipe se propose maintenant d’identifier la galaxie d’où provenaient les sursauts radio. Pour ce faire, les chercheurs devront avoir recours à des radiotélescopes dotés d’un pouvoir de résolution beaucoup plus élevé que celui d’Arecibo, dispositif financé par la National Science Foundation dont l’antenne mesure 305 mètres et couvre environ 20 acres. À l’aide de l’interférométrie, technique reposant sur des réseaux de radiotélescopes reliés entre eux et disposés sur un vaste territoire géographique, les astronomes pourraient obtenir la résolution nécessaire.
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« Lorsque nous aurons déterminé la position exacte des sursauts successifs dans le ciel, nous pourrons comparer les données obtenues à l’aide de télescopes optiques et de télescopes à rayons x et ainsi savoir s’il existe une galaxie à cet endroit », explique Jason Hessels, professeur agrégé à l’Université d’Amsterdam et à l’Institut de radioastronomie des Pays-Bas, et auteur-ressource de l’article publié dans la revue Nature. « Il est essentiel que nous puissions découvrir la galaxie hôte de cette source si nous voulons comprendre ses propriétés », précise-t-il.
Le tĂ©lescope canadien CHIME pourrait Ă©galement aider Ă rĂ©soudre cette Ă©nigme, ajoute la professeure Kaspi, directrice de l’Institut spatial de Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ. Grâce Ă la conception novatrice de cet appareil dont la construction sera bientĂ´t terminĂ©e, nous pourrons dĂ©tecter des dizaines de sursauts radio rapides chaque jour, affirme la chercheuse. « Le tĂ©lescope CHIME nous permettra d’en savoir davantage sur les origines de ce mystĂ©rieux phĂ©nomène qui pourrait ouvrir la voie Ă de nouvelles façons de sonder l’Univers. »
Les chercheurs de l’UniversitĂ© Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ ont reçu l’appui du Conseil de recherches en sciences naturelles et en gĂ©nie du Canada, de l’Institut canadien de recherches avancĂ©es, du Programme des chaires de recherche du Canada, de la Chaire d’astrophysique et de cosmologie Lorne Trottier, et du Fonds de recherche du QuĂ©bec – Nature et technologies.
L’article « A Repeating Fast Radio Burst », par L. Spitler et coll., a été publié en ligne le 2 mars 2016 dans la revue scientifique Nature
ł˘Ă©˛µ±đ˛Ô»ĺ±đĚý(droite): Sous un ciel Ă©toilĂ©, le radiotĂ©lescope d’Arecibo, dont l’antenne mesure 305 mètres, et sa plateforme suspendue sur laquelle sont montĂ©s les rĂ©cepteurs radio, dominent le paysage. Venues de l’espace, des impulsions radio de quelques millisecondes foncent vers l’antenne, oĂą elles seront rĂ©flĂ©chies et dĂ©tectĂ©es par les rĂ©cepteurs radio. Ces impulsions sont connues sous le nom de « sursauts radio rapides », et le radiotĂ©lescope d’Arecibo est le premier appareil Ă avoir dĂ©tectĂ© une succession de sursauts provenant d’une mĂŞme source. ​Â
±ő±ô±ôłÜ˛őłŮ°ů˛ąłŮľ±´Ç˛ÔĚý: Danielle Futselaar