par Elizabeth Allen
Le Faculty Club de ƽÌØÎå²»ÖÐ Ã Montréal a été et continue d'être un lieu de rencontre pour les grands esprits autour d'une bonne table. Au cours des ans, ce club prestigieux accueille des hommes d'État, des généraux et des poètes dans la salle des banquets, alors que les professeurs affamés viennent y prendre une bouchée au buffet ou dans son poste de ravitaillement caverneux tout aussi hospitalier.
Comme l'Université elle-même, le Faculty Club de ƽÌØÎå²»ÖÐ a une histoire associée à la monarchie. La charte de ƽÌØÎå²»ÖÐ décrit l'Université comme une « Institution royale pour l'avancement des sciences ». Le Club tient son titre de noblesse de son constructeur et premier propriétaire, Alfred Baumgarten.
Après avoir immigré au Canada, Baumgarten a atteint les hautes sphères de la finance comme président de la raffinerie St. Lawrence Sugar, où il a fait fortune. Baumgarten consacrait ses temps libres à la mise en place et au soutien de plusieurs hôpitaux, musées et clubs philanthropiques dans la région de Montréal. Il se sentirait bien à l'aise aujourd'hui au Club. Avec deux doctorats à son crédit, il était chez lui parmi les universitaires, surtout les scientifiques. Baumgarten était ingénieur chimiste et il a élaboré le processus de raffinerie de la betterave à sucre, qui a ensuite fait sa fortune.
Mais Baumgarten était plus qu'un scientifique; il était aussi un hôte accueillant qui adorait les divertissements et l'apparat. Cela faisait partie de son patrimoine. Il naquit à Dresde en 1842, où son père était médecin à la cour du roi de Saxe. Durant sa jeunesse, Baumgarten s'est familiarisé avec l'élégance néogothique à la mode chez les Allemands de l'époque et particulièrement chez les rois et les princes allemands.
En 1880, Baumgarten a acheté le terrain de la rue McTavish où le Club réside maintenant. Après leur mariage en 1885, les jeunes époux achetèrent une maison adjacente au terrain initial et s'y installèrent. Baumgarten entreprit la construction de son nouveau manoir qui a été terminé en 1887. La maison était considérée comme une merveille, car elle comprenait une immense baignoire renfoncée, ou « piscine », ce qui était plutôt rare dans la ville à l'époque.
En 1902, il y eut un autre agrandissement débordant les lots originaux. Des salles de service et de réception ainsi qu'une salle de bal furent ajoutées pour augmenter grandement la taille de la maison Baumgarten. L'élément le plus remarquable au plan architectural était peut-être le plancher léger sur ressorts dans la salle de bal. Baumgarten lui-même l'avait conçu et bâti vingt ans auparavant, lorsqu'il l'avait fait installer au Hunt Club de Montréal. Lorsque ce dernier déménagea à un autre endroit, le plancher a été transplanté dans le manoir Baumgarten.
Il est bien connu que Baumgarten cherchait une résidence qui lui permettrait de tenir des réceptions et faire étalage de sa richesse. En plus d'impressionner ses relations professionnelles et sociales, les rénovations de 1902 avait pour but de souligner l'entrée de ses deux filles dans la haute société montréalaise.
Une rumeur qui n'a pas été prouvée, veut que Baumgarten ait construit la résidence et ses ajouts postérieurs en espérant que le Kaiser Wilhelm II serait un jour son invité, lorsque le monarque allemand visiterait le Canada. Il en a résulté une maison considérée comme une des plus belles du Mille carré doré de Montréal et un manoir digne d'une visite royale ou impériale.
Au tournant du siècle, le manoir Baumgarten était un centre d'activités sociales pour l'élite de Montréal. Le manoir avait un tel prestige que c'était l'endroit favori du gouverneur général lorsqu'il venait à Montréal, "... comme si on avait transplanté Rideau Hall."
En 1912, Baumgarten a laissé son poste de président de la raffinerie St. Lawrence Sugar, mais est demeuré actif dans les cercles sociaux. Les menaces de guerre en Europe ont bientôt anéanti la possibilité d'une visite impériale allemande, mais ce n'est qu'avec la déclaration de la guerre que Baumgarten dût se retirer de la société. Comme le sentiment anti-allemand prenait de l'ampleur à Montréal, et que des rumeurs non fondées couraient sur sa participation dans des usines allemandes, Baumgarten s'est résigné à vivre tranquillement à la maison. Il est décédé en 1919.
La demeure est restée inoccupée jusqu'à sa vente par Mme Baumgarten à l'Université ƽÌØÎå²»ÖÐ pour une somme minime en 1926. La proximité du manoir avec le campus de ƽÌØÎå²»ÖÐ et le respect que professait Baumgarten pour cet établissement d'enseignement ont sûrement influencé les conditions de la vente.
Le manoir Baumgarten est devenu la résidence officielle du principal de ƽÌØÎå²»ÖÐ, le général Sir Arthur Currie. Après le départ de Currie, ses successeurs ont trouvé cette maison trop grandiose pour leur style de vie et la demeure est restée vide pendant quelques années.
Le corps professoral de ƽÌØÎå²»ÖÐ cherchait de plus grands locaux pour le Club universitaire alors ils l'ont installé de l'autre côté du campus. La demeure Baumgarten/Currie semblait un choix évident. ƽÌØÎå²»ÖÐ a ajouté son propre style à l'édifice en rénovant certaines parties et en intégrant des panneaux de teck de l'ancien club à certaines pièces du haut. La demeure qui fut à l'origine un haut lieu de l'élite sociale, devint le point de rencontre des éminences intellectuelles.
Le Club est aujourd'hui une tradition bien vivante, tout au long de la semaine. Durant les années 20, Stephen Leacock pouvait s'y trouver et plus récemment, Frank Scott et Hugh MacLennan ont fait honneur au Club. On pouvait y rencontrer des chefs de l'industrie, des évêques, des universitaires chevronnés en visite.
Il me semble que c'était hier à peine que le Conseil exécutif de Montréal de la Ligue monarchiste du Canada recevait à souper au Club, Rod Wylie, président du bureau de la Ligue à Vancouver, et Garry Toffoli, corédacteur de Monarchie Canada; que j'ai jeté un coup d'oeil à la table voisine où discutait Pierre Elliot Trudeau avec le principal et plusieurs convives.
Le Faculty Club de ƽÌØÎå²»ÖÐ sur la rue McTavish à Montréal sera toujours un point de repère, non seulement pour la splendeur passée de la demeure d'un grand monarchiste, mais aussi comme lieu de rencontre des grands esprits pour une discussion amicale.