Le jugement linguistique, jugement de Salomon ?

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Le jugement linguistique, jugement de Salomon ?

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On ne parle pas comme on 茅crit鈥� et l鈥檕n n鈥櫭ヽrit pas comme on parle. Il y a des registres, des niveaux de langue. Le lecteur doit donc 锚tre en prise directe sur le texte, son sujet et son libell茅. On doit aller le chercher, le solliciter.

Carlos del Burgo | 8 avr 2019

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On dit que la traduction fait toujours appel 脿 une adaptation au destinataire.

Le lecteur doit donc 锚tre en prise directe sur le texte, son sujet et son libell茅. On doit aller le chercher, le solliciter. C鈥檈st un peu 莽a le marketing.

Un b茅mol toutefois : la qualit茅 de la communication fait aussi partie du processus et ne doit pas 锚tre compromise. En d鈥檃utres termes (sans calembour鈥�), s鈥檌l y a conflit d鈥檌nterpr茅tation entre l鈥檜sager et les sources 茅crites, ces derni猫res (dictionnaires et bases de donn茅es) doivent faire plus que recueillir de la poussi猫re. Elles ont leur mot 脿 dire (鈥�).

Certes, ces ouvrages de r茅f茅rence ne devraient pas dicter (鈥�) ce que nous 茅crivons, mais ils ne sauraient non plus 锚tre ignor茅s dans le cadre d鈥檜ne communication officielle ou 茅crite.

Voici un exemple souvent cit茅.

Il n鈥檡 a pas si longtemps, au Qu茅bec, les gens disaient, un peu press茅s, le bumper et le muffler, le brake et la clutch. Il eut 茅t茅 impensable alors de proposer pare-chocs et silencieux (pot d鈥櫭ヽhappement) ou frein et embrayage (诲茅产谤补测补驳别). Le r茅dacteur ou traducteur consciencieux se faisait de suite admonester鈥�: Mais personne ne comprendra jamais ces mots鈥�

Et pourtant, aujourd鈥檋ui, tout le monde les comprend.

Cela 茅tant, bien de nos conducteurs ou garagistes franglophones continuent d鈥檈mployer les 茅tiquettes anglaises. C鈥檈st leur droit, tant que 莽a reste oral et non 茅crit. Mais, d猫s que la communication passe 脿 l鈥櫭ヽrit, elle devient soutenue, officielle. N鈥檈xiste-t-il pas toute une terminologie de l鈥檃utomobile, qu鈥檕n ne peut d茅cider unilat茅ralement d鈥檌gnorer ?

On ne parle pas comme on 茅crit鈥� et l鈥檕n n鈥櫭ヽrit pas comme on parle. Il y a des registres, des niveaux de langue.

Dans un cadre professionnel, le recours syst茅matique au franglais passe mal.

D鈥檃utant plus que, depuis l鈥檃v猫nement de Termium (banque de terminologie f茅d茅rale comptant plus de 3,5鈥痬illions de termes en anglais et en fran莽ais) et de GDT (banque de terminologie qu茅b茅coise totalisant quelque 2,5鈥痬illions de termes, elle aussi bilingue), ces solutions (techniques, scientifiques, commerciales, juridiques) sont mises en ligne, 脿 port茅e de main, 脿 titre gracieux, 脿 m锚me les deniers publics.

Il reste que les traditions ont la vie longue. Par cons茅quent, dans certains domaines, le fran莽ais local (canadien ou qu茅b茅cois) se distingue par un net penchant pour l鈥檃nglicisation, 芦 seule fa莽on de se comprendre et de rester en famille 禄.

Or, en traduction comme en communication, une partie du mandat consiste 脿 contourner parfois les solutions trop faciles, tout en 茅vitant de sombrer dans le purisme (ou le laxisme).

On joue les 茅quilibristes.

Un 诲别耻虫颈猫尘别 exemple, un peu plus surprenant, le couple smoking et tuxedo (ou 迟耻虫茅诲辞).

Au Qu茅bec, traduire tuxedo risque de susciter bien des foudres si l鈥檕n emploie le mot smoking. Pourquoi remplacer un anglicisme courant ici par un autre anglicisme courant ailleurs dans le monde ? Le mot et la tenue smoking se vendraient plus difficilement dans la Belle Province ?

Pourtant, smoking constitue 诲茅箩脿 un emprunt fait 脿 l鈥檃nglais par l鈥檈nsemble de la francophonie, il y a plus d鈥檜n si猫cle (1890, selon Le Robert). Respect茅 par l鈥檜sage comme par tous les dictionnaires.

Par contre, le vocable tuxedo, lui, ne repr茅sente qu鈥檜n 诲别耻虫颈猫尘别 emprunt, doublon r茅cent, r茅gional. Il est exclu de tous les dictionnaires, europ茅ens comme canadiens, si ce n鈥檈st pour y 锚tre critiqu茅 (voir tableau ci-dessous).

Le seul atout de tuxedo serait de perp茅tuer un certain laisser-faire, qui infantilise le lecteur et ne tient pas compte de la dichotomie qu鈥檕n observe entre vocabulaire actif (qui vient spontan茅ment 脿 l鈥檈sprit, qui est sur le bout de la langue) et vocabulaire passif (qui est parfaitement connu, m锚me s鈥檌l ne constitue pas notre premier choix).

Remarquablement, oui, certains consommateurs qu茅b茅cois seront surpris par l鈥櫬玡xotisme 禄 du mot smoking, mais il y en aura bien d鈥檃utres qui seront d茅rang茅s par la familiarit茅 du mot tuxedo, per莽u comme paternaliste, vaudeville un peu engonc茅 dans son r茅gionalisme.

Disons qu鈥檌l r猫gne ici un certain flou artistique ; joli paradoxe que ces deux mots anglais se disputant la vedette dans la langue de Moli猫re. Ah, les zones grises !

Or, c鈥檈st pr茅cis茅ment le genre de situation o霉 l鈥檕n demande aux langagiers de faire preuve de jugement linguistique. Ils servent de passeurs, de truchement, de codificateurs de la langue, avec toutes les responsabilit茅s, agr茅ables ou ingrates, que cela entra卯ne.

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