Souris de laboratoire : Et si on n’utilisait pas les bonnes?
Les souris comptent pour plus de la moitié des sujets de recherche biomédicale autres qu’humains, et elles sont, en grande majorité, issues de lignées consanguines. Obtenues par l’accouplement d’individus de la même portée, génération après génération, les souris de lignées consanguines sont génétiquement identiques, comme des jumeaux homozygotes ou des clones. On sait qu’en général, d’une espèce à une autre, la consanguinité affecte la santé et la vigueur de la progéniture; un fait biologique qui explique pourquoi l’inceste est un tabou universel. Bien que les souris de souches consanguines aient des utilisations précises et importantes en génétique et en immunologie, c’est précisément parce qu’elles sont génétiquement identiques qu’on les préfère aux souris plus robustes obtenues par croisement distant. Les chercheurs sont généralement convaincus que les données recueillies chez des souris de lignées consanguines présentent une variabilité moindre, ce qui favorise la réalisation d’études expérimentales plus rapides, plus puissantes et moins onéreuses.
Or, selon une nouvelle étude publiée dans le numéro du 30 novembre de la revue Nature Methods, ce postulat serait faux. Des chercheurs de l’Université ƽÌØÎå²»ÖÐ ont analysé des articles scientifiques parus antérieurement dans la littérature biomédicale qui portaient sur des recherches expérimentales regroupant, dans la même étude, des souris à la fois de lignées consanguines et distantes. La comparaison de la variabilité entre les individus de chacune de ces lignées n’a permis à l’équipe de chercheurs de déceler aucune différence relativement à une vaste gamme de caractéristiques physiques et comportementales.
En outre, les chercheurs ont été en mesure de vérifier directement leur hypothèse en collaboration avec des membres du Jackson Laboratory, situé à Bar Harbor, dans le Maine, au moyen de nouvelles populations de souris de lignées distantes très diversifiées. L’auteur principal de l’étude, Alexander Tuttle, du Centre de neurosciences de l’Université de la Caroline du Nord à Chapel Hill, a été très surpris de ces résultats : « Voilà un parfait exemple d’une prévision scientifique raisonnable se révélant toutefois incorrecte. Si le profil génétique des souris de lignées consanguines est moins variable que celui des individus de lignées distantes, le degré de variabilité de la quasi-totalité des mesures observables, en revanche, est comparable dans ces deux populations. »
« En vertu des résultats de nos travaux, je m’attends à voir les chercheurs opter de plus en plus pour des souris de lignées distantes », enchaîne l’auteur en chef de l’étude, Jeffrey Mogil. « Il est établi depuis longtemps que les souris de lignées consanguines sont plus frêles et ont beaucoup de difficulté à se reproduire, signe qu’elles ne sont probablement pas ‘normales’, mais on était prêt à accepter un tel compromis afin d’obtenir des résultats plus solides. Si cette présomption est fausse, le choix des souris de lignées distantes, plus robustes, devrait alors s’imposer. »
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L’article « Comparing phenotypic variation between inbred and outbred mice », par Alexander H. Tuttle, Vivek M. Philip, Elissa J. Chesler et Jeffrey S. Mogil, a été publié dans la revue Nature Methods. ()