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Prédire la transmission des maladies génétiques rares

Des chercheurs ont fait remonter l’origine d’une maladie à deux familles fondatrices du XVIIe siècle
±Ê³Ü²ú±ô¾±Ã©: 10 December 2018

Au Québec, actuellement, seules 25 personnes sont atteintes du syndrome de dysrythmie atriale et trouble de la motilité intestinale chronique (CAID), une maladie génétique récessive rare qui touche à la fois la fréquence cardiaque et le transit intestinal. Une équipe de recherche dirigée par l’Université ƽÌØÎå²»ÖÐ a réussi à faire remonter l’origine de la mutation génétique sous-jacente de cette maladie grave jusqu’à deux familles fondatrices européennes arrivées dans la province au XVIIe siècle. Afin d’établir l’historique de transmission de ces mutations rares, les chercheurs ont mis au point un processus computationnel complexe dont l’analyse a pris deux semaines et qui devrait les aider, ainsi que d’autres chercheurs, à préciser l’origine d’autres maladies génétiques rares. Ils espèrent élargir la portée de leurs techniques de recherche afin de pouvoir établir l’historique de transmission de maladies génétiques plus courantes et mettre au jour de nouvelles variantes génétiques à l’origine de maladies rares.

Contexte

Les chercheurs (il s'agit d'une collaboration entre des chercheurs de ƽÌØÎå²»ÖÐ, de l'Université de Montréal/CHU Sainte Justine et du CHU de Québec-Université de Laval) ont réussi à préciser l’origine du syndrome CAID en utilisant le fichier généalogique BALSAC du Québec, qui fournit un arbre généalogique universel se rapportant à plus de 3,4 millions de personnes sur une période de quatre siècles. Leur but : être en mesure de savoir dans quelles parties de la province la maladie est le plus susceptible de se manifester au cours des prochaines générations en tenant compte des secteurs regroupant le plus grand nombre de porteurs du gène récessif qui cause la maladie. Les chercheurs estiment que cette information pourrait aider le système de santé à économiser sur le dépistage du syndrome CAID, puisque les décideurs pourront concentrer leurs efforts dans certaines régions du Québec, comme Charlevoix ou le Saguenay, où se trouve le plus grand nombre de porteurs potentiels du gène récessif qui cause la maladie.

Le syndrome CAID est une maladie rare qui provoque une arythmie dans tout le corps et perturbe le fonctionnement du cœur et de l’intestin. Il peut provoquer un ralentissement du rythme cardiaque, et, souvent, nécessiter l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Il occasionne également des troubles du transit intestinal et des symptômes abdominaux graves qui obligent la plupart des patients à recourir à l’alimentation par voie intraveineuse. Il s’agit d’une maladie invalidante grave pour laquelle il n’existe aucun traitement de la cause.
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La photo ci-jointe montre les estimations des chercheurs relativement à la prévalence de l’allèle du syndrome CAID pour l’ensemble du Québec. La prévalence la plus élevée toucherait Charlevoix, bien que la plupart des cas aient été signalés au Saguenay et en Beauce.

Entretien avec les chercheurs principaux Simon Gravel et Dominic Nelson Université ƽÌØÎå²»ÖÐ et Centre d’innovation Génome Québec

1- En ce moment, combien y a-t-il de personnes atteintes de la maladie au Québec?

Nous connaissons l’existence de 25 patients (qui possèdent deux copies de la mutation CAID), mais environ 25 000 personnes en bonne santé seraient porteuses d’une copie de la mutation CAID au Québec. Lorsque vient le temps de conseiller à des couples de se soumettre à des analyses pour déterminer s’ils risquent d’avoir un enfant atteint du syndrome CAID, le lieu de résidence de ces porteurs est une donnée importante.

2- Serait-il difficile d’appliquer ces recherches à d’autres maladies génétiques, et que faudrait-il faire pour que cela fonctionne? Quelles sont les limites de ce type de recherche?

Dès le départ, ce projet devait pouvoir s’appliquer à n’importe quelle maladie génétique rare. Lorsque nous sommes en mesure de cerner au moins 5 à 10 porteurs d’une mutation et les relier à une base de données généalogiques, nous pouvons déterminer dans quelles parties du Québec la maladie sera plus ou moins courante. S’il est vrai que chacune des maladies génétiques rares ne touchera que quelques couples, on estime néanmoins que 2 % d’entre eux risquent d’avoir un enfant qui en sera atteint. Ce pourcentage peut sembler bas, mais si on estime à environ un million le nombre de couples au Québec, on parle tout de même de 40 000 personnes. Actuellement, nous nous limitons à l’étude des maladies génétiques rares, principalement parce que c’est la mission que nous nous sommes donnée. Toutefois, nous continuons d’élargir le champ d’action de notre méthode et nous espérons pouvoir bientôt étudier des maladies plus courantes.

3- Un aspect de la recherche a-t-il été particulièrement emballant, difficile ou compliqué?
Il s’agit d’un problème computationnel extrêmement complexe, parce qu’une mutation peut apparaître et se propager dans la population d’une multitude de façons. Même si nous avons utilisé des calculs mathématiques complexes pour accélérer le traitement de notre algorithme d’un million de trillions de trillions de fois, il faut malgré tout compter environ deux semaines pour l’analyse. Heureusement, nous pouvons utiliser les mêmes calculs pour analyser un grand nombre de maladies rares et nous n’avons besoin que d’une douzaine de cas pour déterminer les risques d’apparition de la maladie dans l’ensemble de la population. Nous sommes particulièrement emballés par la possibilité d’utiliser cette approche pour déceler de nouvelles mutations à l’origine de maladies. La recherche en génomique a transformé l’étude des maladies rares. L’association des outils de génomique aux ressources généalogiques uniques disponibles au Québec nous donne des moyens exceptionnels pour trouver la cause de maladies génétiques rares.

L’article « Inferring transmission histories of rare alleles in population-scale genealogies » a été publié dans l’American Journal of Human Genetics par Simon Gravel et coll. : - DOI: 10.1016/j.ajhg.2018.10.017

Les travaux ont été financés par le Programme des chaires de recherche du Canada, la Fondation Alfred P. Sloan, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies et le Réseau de médecine génétique appliquée subventionné par le Fonds de recherche du Québec – Santé.

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