La neige fondante contient un cocktail toxique de polluants
Le printemps et les températures plus clémentes sont à nos portes. La neige fondra peu à peu, nous libérant enfin des griffes de l’hiver. Toutefois, cette neige libérera autre chose. En effet, des chercheurs de l’Université ƽ岻 et de l’École de technologie supérieure de Montréal ont découvert qu’en milieu urbain, un cocktail toxique de polluants atmosphériques provenant des gaz d’échappement des automobiles s’accumule dans la neige et est relâché dans l’environnement lors de la fonte.
« Nous avons découvert que la neige absorbait certains polluants organiques toxiques et cancérigènes appelés hydrocarbures aromatiques polycycliques », explique Yevgen Nazarenko, chercheur postdoctoral qui travaille avec Parisa A. Ariya, professeure au Département des sciences atmosphériques et océaniques ainsi qu’au Département de chimie de l’Université ƽ岻, et l’équipe de Patrice Seers, professeur à l’École de technologie supérieure.
« Comprendre l’interaction entre ces polluants et l’environnement, y compris avec la neige, revêt une importance cruciale si nous voulons réduire les centaines de milliers de décès prématurés que cause la pollution de l’air, même légère, en Amérique du Nord. À l’échelle mondiale, la pollution de l’air est responsable de quelque huit millions de décès », affirme la Pre Ariya, auteure principale de la du groupe, publiée dans Environmental Pollution.
Une odeur qui ne ment pas
Bien souvent, la variation du niveau de pollution se sent. Littéralement.
« L’hiver, lorsqu’on sort tout de suite après une chute de neige, l’odeur n’est pas la même. L’air est habituellement plus vif et ‟sent propre”. Cette odeur de propreté se dissipe peu à peu. Puis, lorsque le temps se réchauffe, l’air prend une autre odeur. Ce constat est à l’origine de notre étude », explique M. Nazarenko.
Pour déterminer comment la neige capte les émissions polluantes de l’automobile, les scientifiques l’ont exposée à des gaz d’échappement dans un globe de verre fabriqué dans leur laboratoire. Ils ont constaté que les gaz provenant de moteurs à essence réagissaient différemment au contact du froid et de la neige selon le mode d’injection du carburant dans le moteur.
Des particules altérées par le froid
Les chercheurs ont aussi observé que la neige absorbe les particules fines présentes dans la pollution atmosphérique et modifie la concentration de différentes nanoparticules. Ces polluants, les plus petits que l’on retrouve dans l’air, ont été associés à plusieurs problèmes de santé. À leur étonnement, les températures froides et l’interaction entre la pollution atmosphérique et la neige augmentent la quantité relative des petites nanoparticules dans l’air pollué au-dessus du tapis neigeux.
Une fois piégés par la neige, les polluants atmosphériques peuvent subir des transformations chimiques qui donneront naissance à d’autres polluants avec différents degrés de toxicité et de cancérogénicité. Certains composés, parfois plus néfastes que les polluants de départ, se volatiliseront pour retourner dans l’air, alors que d’autres s’accumuleront dans la neige et se retrouveront dans les eaux de fonte.
« Ces rejets pourraient, à court terme, provoquer une augmentation de la concentration de certains polluants dans l’air, les sols et les eaux de surface vers lesquelles s’écoulent les eaux de fonte », affirme Yevgen Nazarenko.
Les auteurs de l’étude estiment que de nouvelles études et une surveillance environnementale accrue pourraient permettre de repérer les polluants les plus néfastes et, à terme, réduire leur présence dans l’environnement en modifiant la composition des carburants et en optimisant les moteurs et les catalyseurs des voitures.
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, la Fondation canadienne pour l’innovation, Environnement et Changement climatique Canada et le Fonds de recherche du Québec — Nature et technologies.
L’article « Role of snow in the fate of gaseous and particulate exhaust pollutants from gasoline-powered vehicles », par Yevgen Nazarenko et coll., a été publié dans le numéro d’avril 2017 de la revue Environmental Pollution.