Fosse du Japon : des biomarqueurs sismiques lèvent le voile sur des séismes importants
À la suite du séisme dévastateur Tohoku-Oki survenu au large de la côte du Japon en mars 2011, des scientifiques ont été étonnés de constater, le long de la faille, un glissement sans précédent de 50 mètres qui avait provoqué une rupture jusqu’à la surface du plancher océanique. Ce déplacement extrême à faible profondeur a amplifié le gigantesque tsunami qui, combiné au séisme d’une magnitude de 9,1, a fait de nombreuses victimes et de très lourds dommages au Japon.
Dans le cadre d’une étude publiée récemment dans Nature Communications, des chercheurs ont eu recours à une nouvelle technique pour scruter les failles de la fosse du Japon, zone de subduction où le tremblement de terre a frappé. Ils ont mis au jour un long historique de séismes puissants dans cette zone et ont découvert de multiples failles présentant des glissements de plus de 10 mètres.
« Nous avons découvert des traces d’un grand nombre de séismes importants qui ont provoqué une rupture du plancher océanique et qui auraient pu produire des tsunamis semblables à celui de 2011 », explique Pratigya Polissar, coauteur de l’étude et professeur agrégé en sciences océaniques à l’Université de Californie à Santa Cruz.
Heather Savage, professeure agrégée en sciences de la Terre et des planètes à l’Université de Californie à Santa Cruz, et le Pr Polissar ont mis au point une technique d’évaluation de l’historique des glissements sismiques d’une faille par l’analyse des molécules organiques emprisonnées dans les roches sédimentaires. D’abord synthétisés par les algues marines et d’autres organismes, ces biomarqueurs sont modifiés ou détruits par la chaleur, notamment sous l’effet du glissement d’une faille pendant un séisme. Au cours des dix dernières années, les Prs Savage et Polissar ont réalisé d’innombrables essais en laboratoire et élaboré des méthodes de quantification de l’évolution thermique de ces biomarqueurs, qu’ils ont ensuite utilisées pour reconstruire l’historique des températures d’une faille.
En 2012, l’équipe du Japan Trench Fast Drilling Project (JFAST) a procédé à des forages afin de prélever des carottes et d’installer des capteurs de température. Emily Brodsky, sismologue à l’Université de Californie à Santa Cruz, a participé au projet JFAST, au cours duquel la chaleur de frottement générée par un glissement pendant un tremblement de terre a été mesurée directement pour la première fois. Toutefois, comme cette chaleur se dissipe après le séisme, le signal est faible et transitoire.
« Grâce aux biomarqueurs, nous pouvons détecter dans la roche des traces de changements permanents qui conservent un enregistrement de la chaleur », précise la Pre Savage.
Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont examiné les carottes du projet JFAST, prélevées sur toute la profondeur de la zone de failles et jusque dans la plaque plongeante. « Il s’agit d’une zone complexe, et nous avons découvert de nombreuses failles sur toute la longueur de la carotte. Nous avons réussi à dire quelles failles présentaient des traces de séismes importants », ajoute la Pre Savage.
L’équipe du projet cherchait notamment à déterminer si certains types de roches présentes dans la zone de failles étaient plus susceptibles que d’autres de subir des glissements importants sous l’effet d’un tremblement de terre. Les carottes étaient composées de couches de mudstone et d’argile présentant différentes résistances à la friction. Toutefois, l’analyse des biomarqueurs a révélé des traces de glissements sismiques importants dans tous les types de roches, et a indiqué que les différentes propriétés de frottement n’avaient pas nécessairement d’incidence sur les risques de séisme ou de glissement important à faible profondeur.
Jamie Kirkpatrick et Christie Rowe, professeurs au Département des sciences de la Terre et des planètes et coauteurs de la nouvelle étude, ont participé à l’expédition de forage qui a prélevé les carottes de sédiments dans le plancher océanique.
« Une fois les échantillons à bord du navire, nous avons sélectionné les carottes qui semblaient présenter des failles intéressantes, déclare la Pre Rowe. Après nos analyses, nous avons constaté que certaines failles importantes étaient passées totalement inaperçues pendant notre examen minutieux sur le navire. C’est un excellent exemple de l’efficacité d’une approche multidisciplinaire. En combinant nos observations géologiques aux analyses des biomarqueurs organiques, nous avons obtenu un portait beaucoup plus complet du système de subduction qui a provoqué le tremblement de terre de magnitude 9 en 2011. »
« Nous avons utilisé cette technique avec des roches de types, d’âges et d’historiques de températures différents, et nous pouvons maintenant dire si une faille a subi un séisme et s’il y a eu un seul séisme important ou plusieurs petits, explique la Pre Savage. Nous pourrons appliquer cette technique à d’autres failles afin de retracer leur historique. »
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L’article « » de H. S. Rabinowitz, H. M. Savage, P. J. Polissar, C. D. Rowe et J. D. Kirkpatrick a été publié dans Nature Communications.
Ces travaux ont été financés par la Fondation nationale des sciences naturelles.
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