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De l’é³Ù³ó¾±±ç³Ü±ð de la distanciation sociale

Dans le cadre d’une série d’entretiens sur la COVID-19 réalisés auprès d’experts mcgillois, Daniel Weinstock discute de droits individuels et de bien commun en période de pandémie.

Le professeur Weinstock a été nommé directeur de l’Institut des politiques sociales et de la santé de ƽÌØÎå²»ÖÐ en 2013, et il est titulaire d’une chaire James ƽÌØÎå²»ÖÐ depuis 2014. Il participe activement aux débats en matière de politiques publiques au Québec; de 1997 à 1999, il a fait partie du groupe de travail du ministère de l’Éducation sur la religion dans les écoles publiques et, de 2003 à 2008, il a été le directeur fondateur du Comité d’é³Ù³ó¾±±ç³Ü±ð de santé publique du Québec.

Au point où nous en sommes dans la pandémie, l’éloignement social est-il un impératif moral?

Tout d’abord, je crois qu’on devrait utiliser le terme « éloignement physique ». Mais oui, je crois que ce l’est, du moins à court terme. Il faut qu’environ 80 % des gens respectent les mesures d’éloignement pour obtenir une réduction réelle et mesurable de la propagation du virus. Ceux qui justifient leur non-respect des consignes, en se disant qu’ils peuvent bien se rapprocher un peu pourvu que les autres les respectent, agissent comme des passagers clandestins. Si tout le monde en fait autant, nous nous retrouverons sous le niveau requis et personne ne sera gagnant.

Bien sûr, cette situation ne peut pas être permanente, mais, à court terme, pour sortir de la phase aiguë, nous devons respecter les consignes.

Un avocat québécois poursuit le gouvernement du Québec pour violation de droits durant la crise de la COVID-19. Les mesures d’éloignement social actuellement appliquées restreignent-elles les libertés civiles d’une façon acceptable et é³Ù³ó¾±±ç³Ü±ð?

La particularité d’une pandémie de virus est que nous sommes tous une menace les uns pour les autres. Selon la position libérale habituelle concernant les libertés, nous devrions tous être libres d’agir comme nous le voulons tant que nous ne causons pas de tort aux autres. Le problème est qu’en temps de pandémie causée par un agent pathogène très contagieux, si nous ne respectons pas les mesures d’éloignement, nous représentons tous un risque sérieux pour les autres. À ce stade de la pandémie, je crois qu’il est raisonnable de limiter les libertés de manière proportionnelle.

À mon avis, nous sommes allés trop loin à certains égards; par exemple, dans les endroits où on a barré l’accès aux espaces verts, mais c’est surtout parce qu’il devient plus difficile de garder ses distances quand on est confiné dans une zone étroite comme un trottoir. C’est donc plus un enjeu de politique, qu’un enjeu de respect des droits. Pour le moment, cet avocat n’a pas vraiment d’arguments valables sur lesquels s’appuyer.

Le gouvernement du Québec a annoncé le retour à l’école des élèves du primaire à l’extérieur du territoire de la communauté métropolitaine de Montréal en mai, mais il n’est pas obligatoire. Étant donné l’accent mis sur l’éloignement physique dans les semaines et les jours précédents, de nombreux parents éprouvent des sentiments contradictoires à la perspective que leurs enfants réintègrent l’école dans la situation actuelle. Que devons-nous penser de ce changement de stratégie et comment peut-on prendre la meilleure décision pour sa famille?

Cette stratégie concorde avec le souhait du gouvernement de redémarrer l’économie graduellement. De plus, elle repose sur des données qui semblent indiquer que les jeunes enfants sont moins malades que les enfants plus âgés et les adultes, et qu’ils ne sont pas de bons vecteurs de transmission. À noter que ces deux hypothèses sont l’objet de controverse chez les scientifiques (comme presque tout ce qui concerne le nouveau coronavirus).

J’aurais deux remarques à faire à ce sujet. Premièrement, les écoles devront fonctionner d’une façon assez différente de celle à laquelle les enfants et les parents sont habitués. Nous devrons les réorganiser afin de minimiser les contacts entre les enfants, et entre les enfants et les adultes qui s’occupent d’eux. Je crains que le gouvernement n’ait pas donné assez de temps aux écoles pour réfléchir aux changements à apporter à l’organisation de l’espace et du temps dans l’école, les cours de récréation, etc., et pour mettre ces changements en place.

Deuxièmement, le gouvernement a clairement fait savoir que, du moins en mai et en juin, les parents ne seraient pas obligés d’envoyer leurs enfants à l’école. Mais si ce n’est pas obligatoire, s’agit-il vraiment de l’école ou plutôt d’un service de garde amélioré? Après tout, si certains enfants ont le droit de ne pas être présents (et je crois que c’est essentiel d’un point de vue moral que les parents puissent faire ce choix), les écoles devraient donc s’abstenir d’enseigner de la matière. Autrement, les enfants qui retourneront en classe seulement à l’automne prendront du retard. Dans ce cas, ça ne ressemble pas vraiment à l’école.

Les restrictions et le confinement se prolongeant, certaines personnes réclament un assouplissement de ces mesures. Elles affirment que, parce que la majorité des gens qui sont les plus durement touchés par le virus sont des personnes âgées ou souffrant déjà de certaines maladies, il y a une force presque naturelle à l’œuvre. « Des gens meurent chaque jour », soutiennent-elles. Comment pouvons-nous empêcher de tels raisonnements?

Nous devons cultiver notre « capital moral » en nous assurant de toujours tenir compte des personnes vulnérables parmi nous au moment d’élaborer des politiques. Les personnes âgées semblent être le sous-groupe le plus vulnérable, mais dans d’autres circonstances, ça pourrait ne pas être le cas. Dans son troublant roman prémonitoire, Saleema Nawaz imagine un virus qui s’en prend davantage aux enfants. Nous devons toujours faire attention à la vulnérabilité, et non à un critère fixe comme l’âge, quand nous concevons des politiques é³Ù³ó¾±±ç³Ü±ðs.

Avec la pandémie, chaque intervention en matière de politiques exige des compromis entre les besoins en santé de différentes catégories de personnes vulnérables, au pays et dans le monde entier. Nous nous trouvons face à des choix déchirants, mais nous ne faisons pas ces choix de façon é³Ù³ó¾±±ç³Ü±ð si, a priori, certaines catégories de personnes vulnérables sont exclues de notre processus décisionnel.

Quelle « étiquette » générale les gens devraient-ils respecter quand ils appliquent les mesures d’éloignement social?

Suivez les recommandations des autorités de santé publique (se laver les mains, garder deux mètres de distance, tousser dans son coude ou un mouchoir, porter un masque en public), mais essayez de sourire et de reconnaître la présence des autres pour que ce soit de l’éloignement physique plutôt que de l’éloignement social.

Quel effet la pandémie a-t-elle sur la confiance que nous avons les uns envers les autres en ces temps d’éloignement social?

Ça m’inquiète grandement. Je crains qu’on soit en train d’apprendre à nos enfants à voir les autres comme une menace. Si nous mettons au point un vaccin et que nous devenons ainsi immunisés, nous devrons réapprendre toutes sortes de réflexes sociaux naturels. Dans le cas contraire, je crains que notre façon d’entretenir des rapports avec les autres soit à jamais changée.

Lorsque les mesures d’éloignement social prendront fin et que nous reprendrons potentiellement notre vie « normale », quelles pourraient être les conséquences sur les libertés civiles?

Elles seront ce que nous leur permettrons d’être. J’ai recommandé la mise sur pied d’un comité indépendant chargé de surveiller les limites qui restreignent nos libertés civiles et la diminution de ces limites à mesure qu’elles ne sont plus nécessaires. Aussi importantes soient les restrictions actuelles, dès lors que nous ne serons plus un danger pour les autres, nous devrons être vigilants et nous assurer que nos libertés nous seront rendues dans leur intégralité.

Avez-vous observé des comportements ou des difficultés dans d’autres pays (surtout dans les pays comme l’Allemagne, qui ont amorcé l’allégement des restrictions avant le Canada ) qui ne seraient pas pertinents en sol canadien? Que surveillez-vous particulièrement?

Nous avons l’avantage de nous trouver dans la « queue » de la propagation du virus, ou près de celle-ci. Le reste du monde est un peu comme une expérience naturelle pour nous. Nous devons observer attentivement les différents modes de déconfinement adoptés ailleurs.

L’Université ƽÌØÎå²»ÖÐ compte de nombreux experts en mesure de commenter une grande variété d’enjeux en lien avec la COVID-19. Consultez la liste de ces experts.

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