David Ragsdale, lauréat du Prix de la principale pour l’excellence en enseignement (catégorie des professeurs agréés) l’an dernier, enseigne les complexités du cerveau humain aux étudiants de tous les cycles depuis plus de 20 ans. Dans cette entrevue, il nous fait part de ses réflexions sur l’enseignement, sur l’apprentissage et sur ce qu’il aime de la vie à Montréal.
Comment en ĂŞtes-vous venu Ă enseigner?
David Ragsdale : J’ai fait mes premières armes à titre d’aide enseignant dans une école d’études supérieures, mais j’ai toujours été prédisposé à enseigner. J’adore expliquer. C’est dans ma nature. Quand je suis aux prises avec des concepts difficiles, je tends à les réduire à leur plus simple expression et à faire appel à l’imagerie mentale pour les comprendre intuitivement. Ainsi, pour comprendre la loi qui régit les gaz, j’imagine des molécules. Je ne peux pas les comprendre à partir d’une équation. Peut-être que leur complexité me dépasse, mais je crois que cela contribue à faire de moi un meilleur professeur. Il m’arrive souvent de penser que les professeurs d’université maîtrisent tellement leur domaine d’enseignement qu’ils n’arrivent pas à imaginer le sort de ceux qui sont encore dans le noir. Je sais tout à fait ce qu’on ressent quand on ne comprend pas et c’est pourquoi je m’efforce de me mettre à la place de l’étudiant quand j’enseigne.
Quelles sont les plus belles facettes du métier d’enseignant?
Ragsdale : étudiants et les relations que j’établis avec eux. Les étudiants mcgillois m’impressionnent vivement. J’adore les rencontres au hasard avec d’ex-étudiants qui me disent à quel point ils ont aimé un de mes cours.
Quels sont les défis les plus difficiles à relever?
Ragsdale : Les classes trop chargées qui posent problème tant au chapitre de l’enseignement qu’à celui de l’évaluation. Ajoutons l’explosion de l’information qui complique parfois l’adaptation de l’enseignement aux nouvelles réalités.
Comment tissez-vous des liens forts avec vos Ă©tudiants?
Ragsdale : J’établis les relations les plus Ă©troites avec les Ă©tudiants qui se donnent la peine de me parler; ceux qui me posent des questions et dĂ©montrent un vĂ©ritable intĂ©rĂŞt Ă l’endroit des sujets abordĂ©s. Je crois qu’une des critiques les plus frĂ©quentes (et les mieux fondĂ©es) des Ă©tudiants Ă propos de Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ est qu’ils n’ont pas l’occasion de connaĂ®tre leurs professeurs. Mais les bons enseignants s’intĂ©ressent Ă leurs Ă©tudiants. Je conseille donc aux Ă©tudiants d’oser leur parler. Les bons profs aiment Ă©changer avec eux.
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants de premier cycle pour qu’ils tirent le maximum de vos cours?
- Rendez-vous en classe. Vous vous dites peut-être : « Oui, mais comme les cours sont enregistrés, ma présence n’a pas d’importance ». Vous avez tort. Vous obtiendrez de meilleurs résultats en vous présentant en classe.
- Posez des questions avant, pendant, après les cours où quand vous vous sentez à l’aise de le faire. Vous comblerez ainsi deux lacunes importantes : en premier lieu, vous comprendrez mieux les concepts difficiles et vous obtiendrez de la rétroaction sur votre compréhension. En second lieu, vous développerez plus facilement votre relation avec l’instructeur qui pourrait se traduire par des occasions de recherche, la possibilité qu’il rédige une lettre de recommandation (en règle générale, il en faut deux ou trois à l’appui des inscriptions aux cycles supérieurs, aux demandes de bourses, etc.) et par la satisfaction de parler à un expert mondial d’un sujet qui vous intéresse.
Les technologies de l’information bouleversent-elles l’enseignement?
Ragsdale : Oui, et considérablement. La technologie relègue inexorablement la notion habituelle de classe au passé. Le simple enregistrement des cours entraîne une transformation en profondeur de leur dynamique. Comme je m’adapte lentement aux technologies, il est peu probable que je prenne l’initiative d’appliquer à l’enseignement et à l’apprentissage de nouveaux moyens technologiques, mais je constate leur répercussion sur l’évolution marquée de l’enseignement, de l’apprentissage et de l’évaluation.
À titre de neuroscientifique dans un des principaux instituts d’enseignement du monde, comment conciliez-vous recherche et enseignement?
Ragsdale : L’équilibre entre la recherche et l’enseignement pose des difficultĂ©s Ă tous les professeurs de Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ. Les universitaires subissent une pression considĂ©rable pour qu’ils poursuivent leurs recherches; cela dit, puisque la plupart de mes collègues se font un point d’honneur de toujours offrir le meilleur d’eux-mĂŞmes, ils visent Ă©galement l’excellence en enseignement. Pour ma part, au fil de ma carrière, il m’est apparu de plus en plus clair que je suis meilleur professeur que chercheur. J’ai donc graduellement mis l’accent sur l’enseignement.
Qu’est-ce qui vous a amené à étudier le cerveau?
Ragsdale : Enfant, je voulais déjà devenir scientifique. Au départ, je m’intéressais à l’astronomie. Au premier cycle, j’ai suivi des cours qui m’ont amené à m’intéresser à la biologie du cerveau. J’étais particulièrement intrigué par le fait que le cerveau n’est pas qu’un système biologique incroyablement complexe (comme le cœur ou les reins), mais plutôt un système biologique incroyablement complexe qui crée un esprit. Comment en arrive-t-on là ? C’est ce qui m’a amené à m’intéresser au cerveau et ce qui nourrit encore mon intérêt.
Qu’aimez-vous le plus de votre vie à Montréal?
Ragsdale : Je suis arrivé ici de Seattle, un milieu de vie remarquable, mais je préfère Montréal, exception faite de l’hiver. Je vis dans le Mile-End, que j’adore, depuis 20 ans. Et je suis attaché à ce quartier. Au départ, j’aime Montréal. Je n’ai plus de voiture depuis 20 ans, de sorte que je me déplace partout à pied. J’aime la culture, la diversité cosmopolite et le dynamisme de cette ville. Seattle est considérée comme un des milieux de vie les plus agréables des États-Unis, mais, même là , le centre-ville devient un no man’s land après 17 heures. Montréal est vivante. Les Montréalais l’habitent.
Quel professeur vous a le plus influencé lorsque vous étiez étudiant?
Ragsdale : Je ne peux pas dire que j’ai eu un mentor en particulier, mais j’ai eu des professeurs inspirants. Ils éprouvaient une passion pour leur champ d’expertise qu’ils nous transmettaient, et ils étaient capables de nous poser des défis, tout en manifestant de l’empathie à l’endroit de nos difficultés avec la matière ardue.
En terminant, auriez-vous quelque chose Ă dire aux Ă©tudiants qui songent Ă s’inscrire Ă Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ?
Ragsdale : Visitez l’Université et Montréal un beau jour de juin ou de septembre. Vous serez conquis.