Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ
Edward Beatty entama sa carrière au sein du service juridique du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) en 1901. Il empochait alors 50 $ par mois. « Je m’étais dit que de travailler un an à Montréal serait une expérience utile », se souvint Edward Beatty. « Toutefois, mon emploi se révéla être des plus fascinants. J’apprenais une tonne de choses et, de temps à autre, j’avais droit à une petite augmentation de salaire, preuve que je progressais. J’en étais très satisfait. »
Ěý
Edward Beatty assis à son bureau, au siège social du CP, à Montréal, en 1919. Image : Archives de l’Université Queen’s.
Ěý
Quatre ans après son embauche au CP, Edward Beatty fut promu avocat solicitor adjoint (qui ne plaide pas). Malgré cette ascension, il fut tenté d’accepter l’offre de partenariat d’un grand cabinet juridique de Toronto. Edward Beatty s’est souvent remémoré la journée où le président du CP, lord Thomas Shaughnessy, l’a convoqué dans son bureau pour lui poser la question suivante : « Souhaites-tu être un avocat ordinaire toute ta vie ou devenir le président du CP? ». À la suite de cette discussion, il décida de rester au CP. En 1910, il fut nommé avocat solicitor général, puis avocat général trois ans plus tard. En 1914, il devint vice-président. Comme il le fit remarquer plus tard : « Au cours de mes 10 premières années, j’ai pris seulement 10 jours de congé. Il y avait trop à faire ».
Ěý
Edward Beatty, date inconnue. Image: Association canadienne d’histoire ferroviaire et Exporail.
Ěý
« L’homme occupant l’emploi le plus important au monde »
Lorsque lord Thomas Shaughnessy prit sa retraite en 1918, il offrit à Edward Beatty le poste de président du CP, qui était alors l’emploi le mieux rémunéré au Canada. Ce dernier accepta l’offre seulement quelques jours avant son 41e anniversaire. Il devint ainsi le premier président de la compagnie à être originaire du Canada. En 17 ans, Edward Beatty avait gravi les échelons et atteint la présidence de la plus grande compagnie de transport au monde.
Pour reprendre l’expression d’un journaliste américain, Edward Beatty était « l’homme occupant l’emploi le plus important au monde ». Désormais président d’un chemin de fer dont les ramifications s’étendaient d’un bout à l’autre du Canada et sillonnaient une partie des États-Unis, ainsi que d’une ligne internationale allant de Londres jusqu’à Hong Kong, il dirigeait aussi une flotte mondiale de navires à vapeur, une ligne télégraphique et une chaîne hôtelière, en plus de posséder des terres s’étendant sur 15 millions d’acres et des investissements totalisant un milliard de dollars. L’édifice de 16 étages abritant les locaux du CP à Toronto était la plus haute tour de bureaux de tout l’Empire britannique. En 1919, le total des salaires des 80 000 employés du CP s’élevait à 7 500 000 $ par mois, alors que le revenu brut provenant des activités de transport se chiffrait à 157 000 000 $.
Ěý
Edward Beatty, en 1922. Image : Musée McCord.
Ěý
En 1919, lors de son discours inaugural devant les employés du CP, Edward Beatty déclara : « Lorsque le Canada est prospère, le Canadien Pacifique est prospère. Ce qui est bon pour le pays est aussi bon pour nous, car les intérêts du Canada sont les nôtres… Jusqu’à maintenant, la fortune et la croissance de notre entreprise sont si intimement liées à celles du Canada que l’on peut affirmer sans crainte que le Canadien Pacifique est une entreprise nationale et que sa croissance va de pair avec celle du pays »."
Ěý
Edward Beatty et des employés du CP, au lac Cameron, en Colombie-Britannique, vers les années 1920. Image: Association canadienne d’histoire ferroviaire et Exporail.
Ěý
La vague des années fastes
Le choix d’Edward Beatty comme président du CP était controversé en raison de son jeune âge et de son manque d’expérience pratique en matière de chemin de fer. Toutefois, celui-ci fit rapidement taire les plus sceptiques. Les 10 premières années de sa présidence furent marquées par une croissance extraordinaire : des lignes de chemin de fer furent prolongées, des hôtels furent construits et de nouveaux bateaux furent ajoutés à la flotte de transport maritime. De 1925 à 1929, les revenus du CP atteignirent les plus hauts sommets de l’histoire de la compagnie. Edward Beatty était alors à la tête des deux plus importants projets du CP de l’époque, soit la construction de l’hôtel Royal York, à Toronto, en 1929 (le CP a également construit Le Château Frontenac, à Québec, et l’hôtel Banff Springs) et le lancement, en 1931, du Empress of Britain – le plus gros, le plus rapide et le plus luxueux des bateaux à sillonner les eaux entre l’Angleterre et le Canada. Au cours de cette décennie, le Canada était le pays ayant le plus grand kilométrage de chemin de fer par habitant au monde.
Alors qu’il s’adressait aux employés du CP, en 1923, Edward Beatty déclara : « À ma connaissance, il n’existe nulle part ailleurs une compagnie qui touche autant la vie des gens, de près ou de loin, que le Canadien Pacifique. Chaque pas que nous faisons fait avancer notre pays ».
Ěý
Vidéo : Bibliothèque et Archives Canada.
Le creux de la Grande DĂ©pression
L’essor qui caractérisa les années 1920 ne pouvait durer éternellement. Toujours à la barre du CP, Edward Beatty fut contraint de naviguer dans les eaux troubles de la Grande Dépression lors des années 1930. De 1928 à 1933, les revenus du CP chutèrent de moitié. La compagnie réduisit ses services de transport de marchandises et de passagers, et cessa de verser des dividendes à ces actionnaires en 1932. De plus, elle limita grandement ses activités de parrainage d’immigrants. Grâce au leadership d’Edward Beatty, le CP n’avait aucune dette à son actif lorsque la Grande Dépression frappa. Ainsi, malgré moult épreuves, le CP s’en sortit plus facilement que sa rivale, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), détenue par l’État.
À mi-chemin de cette sombre période, les nuages se dissipèrent l’instant d’une journée pour Edward Beatty, lorsque le roi George V le nomma Chevalier Grand-Croix de l’Ordre de l’Empire britannique, le 2 juin 1935.
Ěý
Article du Montreal Daily Star sur l’adoubement d’Edward Beatty, qui eut lieu le 2 juin 1935. Image : Bibliothèque de l’UniversitĂ© Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ.
Ěý
La Seconde Guerre mondiale
Au sortir de la Grande Dépression, un autre défi de taille attendait Edward Beatty : la Seconde Guerre mondiale, qui débuta en 1939. Suivant les traces de son prédécesseur, lord Shaughnessy, qui dirigea le CP lors de la Première Guerre mondiale, Edward Beatty veilla à ce que la compagnie participe aux efforts de guerre au nom du Canada et de l’Empire britannique. Au cours de cette période, le CP transporta 307 millions de tonnes de marchandises et 86 millions de passagers, dont 280 000 militaires. Parmi les 22 bateaux du CP qui servirent au combat, 12 ne revinrent pas à quai.
De l’année 1939 jusqu’au mois de septembre 1941, Edward Beatty endossa le rôle de représentant canadien pour le ministère britannique du Transport de guerre. En 1940, il dirigea l’organisation et les opérations du « pont de l’Atlantique », un projet colossal consistant à convoyer les bombardiers du service aérien du CP entre le Canada et la Grande-Bretagne.
À cette époque, la santé d’Edward Beatty déclina rapidement en raison du stress imposé par la guerre et des années de surmenage. En 1941, il fut victime d’un important accident vasculaire cérébral. Ses médecins réussirent alors à le convaincre de quitter son poste de président du CP. Il obtempéra, mais demeura toutefois président du conseil d’administration. Après près d’un quart de siècle à l’emploi du CP, Edward Beatty gagna le surnom de « modernisateur » pour avoir propulsé la compagnie dans une nouvelle ère d’exploitation des chemins de fer, pour avoir tenu la barre lors de la période la plus faste et la période la plus creuse de l’histoire, et pour avoir maintenu la compagnie à flot au cours de la guerre.
Ěý
Article du Montreal Daily Star sur la dĂ©mission d’Edward Beatty, le 1er mai 1942. Image : Bibliothèque de l’UniversitĂ© Ć˝ĚŘÎ岻ÖĐ.